Délégation d'assurance de prêt, de la loi Murcef à la loi Lemoine 2022

En matière d'assurance de prêt immobilier, voilà au moins 20 ans que régulièrement, des décisions politiques tentent de donner le pouvoir du choix au consommateur. Contractuellement, il s'agit de dissocier le produit financier qu'est le prêt immobilier, de l'assurance associée à ce produit, qu'est l'assurance de prêt.

Cette dissociation est appelée « Délégation d'assurance de prêt ».

Néanmoins, les promesses politiques ne s'appliquent pas si facilement sur le terrain. En effet, les organismes bancaires comme toutes entreprises, sont à la recherche constante de productivité et de gestion du risque. Elles ont donc tout intérêt à « processer » et réduire les exceptions (standardiser), pour maîtriser la chaine de travail autour des contrats à produire et suivre.

Bien mieux armées que le particulier éclairé dès lors qu'il s'agit de produire du contrat et de l'argumentaire commercial, elles ont su s'adapter en exploitant les maladresses dans les éléments de langage des décisions politiques, pour ne plus imposer un contrat d'assurance, mais en favorisant, comme une évidence, ceux qu'elles préfèrent.

En théorie, vous n'êtes pas obligé de souscrire à cette assurance de prêt, du moins celle que votre banquier souhaite vous vendre ; vous pouvez très bien lui préférer une assurance à laquelle vous souscrirez vous-même de votre côté.

La promesse de la délégation d'assurance ? Profiter de tarifs plus avantageux que celle proposée d'office par votre banque. En effet, l'assurance de prêt est un poste de dépense important dans le plan de financement de votre investissement. Cette assurance invalidité-décès peut compter pour 0.2 à  0.5 de votre taux de crédit.

  • L'avantage ? les tarifs, souvent moins élevés que par le biais de la banque (qui prend éventuellement sa commission au passage).
  • L'inconvénient ? la difficulté d'obtenir concrètement un prêt sans l'assurance qui va avec…

Car s'il est vrai qu'aucun banquier ne peut vous obliger à adhérer à son assurance emprunteur, il peut en revanche revoir les conditions d'obtention du prêt si vous décidez de vous assurer ailleurs.

Les hommes d'argent sont devenus frileux, et ils sont prêts à frôler la ligne blanche pour ne pas perdre les avantages qu'ils parviennent encore à tirer de leur situation. En effet, vous pouvez toujours menacer de souscrire votre crédit ailleurs, mais l'emprunteur est rarement en position de force, c'est vous le demandeur, pas lui !

Il reste encore de la place pour un système bancaire éthique, respectueux et réellement attaché à assister le consommateur. Nul doute qu'un tel acteur verrait son portefeuille de clients exploser rapidement, au détriment de cette « vieille banque » qui campe encore sur des acquis passéistes et donne une image souvent négative du monde la finance.

Si la délégation d'assurance est courante quand on passe par un courtier immobilier, elle l'est bien moins facile à obtenir quand on négocie soi-même. Combien d'emprunteurs ont abandonné parce que la banque ne maitrise pas les garanties, ou bien impose une augmentation du taux d'intérêt ?

Pratique encore courante, il s'agit bien fréquemment de malentendus, de raccourcis commerciaux maladroits ou de mauvaise foi de part et d'autre de la négociation.

Beaucoup d'emprunteurs ne savent pas qu'en choisissant une assurance emprunteur déléguée, ils peuvent économiser jusqu'à 20% sur le montant total de leur crédit.

La loi MURCEF interdit les ventes liées ou à prime

Il est dit partout que la vente liée est interdite par la loi MURCEF.

Serait-ce donc la clé pour faire passer une délégation d'assurance de prêt auprès d'un banquier récalcitrant ?

La banque est obligée d'accepter une délégation d'assurance de prêt, si le contrat d'assurance de prêt présenté est équivalent à celui proposé par la banque.

L'Article L312-1-2 du Code monétaire et financier, dite Loi MURCEF, interdit les ventes liées.

Voici ce qu'elle dit :

« Est interdite la vente ou offre de vente de produits ou de prestations de services groupés, sauf lorsque les produits ou prestations de services inclus dans l'offre groupée, ne peuvent être achetés individuellement, ou lorsqu'ils sont indissociables. »

Ce que la loi MURCEF signifie pour la banque :

La banque n'a pas le droit d'imposer son assurance de groupe à la vente d'un crédit immobilier.

Si l'offre de prêt inclut une assurance de prêt immobilier, elle doit également signaler à l'emprunteur qu'il peut choisir un contrat d'assurance équivalent auprès de l'assureur de son choix, et ce, sans augmentation du taux d'intérêt.

La simple absence de cette mention est un manquement à la loi MURCEF qui entraine des pénalités lourdes de conséquences pour la banque. (Du moins sur le papier)

La banque peut-elle augmenter le taux d'intérêt en cas de délégation d'assurance ?

La loi MURCEF est très claire à ce sujet : Les avantages financiers ou en nature octroyés dans le cadre d'une vente ne peuvent dépasser le seuil fixé par arrêté ministériel.

L'offre de prêt doit indiquer l'avantage octroyé et le seuil fixé par l'arrêté ministériel en cas de souscription de l'assurance groupe.

En cas d'absence de cette mention, il n'y a pas d'avantage explicite, donc le choix d'un autre contrat d'assurance n'implique pas la modification d'un paramètre de l'offre de prêt.

Si, dans le cadre de la négociation, la banque intègre une baisse du taux d'intérêt, en contrepartie de la souscription de l'assurance groupe, elle devrait préciser dans l'offre de prêt :

  • le taux avant négociation
  • le taux négocié
  • la contrepartie

Pénalités pour les banques

Les pénalités prévues par la loi MURCEF sont lourdes (15.000€), tant et si bien que la seule mention à  cette loi, suivi des termes « ventes liées » devraient tout de suite faire réagir le banquier et le rendre plus enclin à accepter la délégation d'assurance.

La réforme Lagarde encadre mieux la délégation d'assurance

La réforme Lagarde adoptée le 23 juin 2010 devait faciliter la délégation d'assurance de prêt.

En effet, si la banque refuse un contrat par délégation :

  • elle ne pourra pas augmenter le taux d'intérêt
  • elle devra motiver son refus par écrit

C'est-à-dire indiquer en quoi le contrat d'assurance de prêt présenté n'est pas équivalent au contrat proposé par le banquier.

Concernant le refus d'une délégation d'assurance de prêt, cette réforme est un coup d'épée dans l'eau.

En effet, le problème est plus complexe :

  • Les prêts immobiliers sont présentés tels des produits financiers packagés
  • Les taux d'intérêts étant tirés vers le bas, l'assurance devient alors la plus forte partie des gains générés par le prêt octroyé.
  • Lors de la négociation, le banquier peut proposer un taux d'intérêt inférieur en contrepartie d'une souscription d'assurance chez lui

Les offres évoluent vers un taux « sec » (Assurance libre) et une offre packagée prêt + assurance bénéficiant d'une remise, globale ou partielle, sur la mensualité de l'un ou l'autre des produits.

Les courtiers en assurance ont remarqué que la loi Lagarde a nettement favorisé la délégation. Suite à son vote, les délégations d'assurances dans les demandes de financement sont passées de 10 à 25% !

Soulignons que pour les jeunes emprunteurs, les contrats sur mesure commercialisés par les compagnies d'assurances sont généralement plus avantageux que les offres des banques qui sont mutualisées entre tous les clients d'un même réseau. Ce qui fait que ce sont ces catégories de clientèle qui profitent en premier de cette libéralisation.

La Loi Hamon facilite la délégation d'assurance à tout moment

Depuis la loi Hamon, il est possible de changer d'assurance de prêt à tout moment.

La banque doit tout de même donner son accord.

Elle facture souvent des frais de délégation au moment du changement.

En effet, elle doit contrôler l'équivalence des garanties proposées et prendre en charge les modifications administratives.

Avec la loi Lemoine, exit le préavis et le questionnaire de santé !

La loi Lemoine 2022 supprime la nécessité de remplir un formulaire de santé, si le montant restant dû est inférieur à 200K€. Si vous choisissez un nouveau contrat d'assurance offrant des garanties identiques ou supérieures, vous pouvez actionner la délégation sans aucun préavis, et à tout moment !

 

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